Ginette MARLIN : le don de soi.
Ginette MARLIN nous a quittés le mardi 21 février.
Professeur à l’INJS de Paris, Ginette occupait le poste de secrétaire général d’ACFOS après celui de trésorière dès 1994.
Ginette agissait toujours avec un souci d’efficacité mêlé de gentillesse.
Elle était d’un caractère fort et bien marqué. Elle savait ce qu’elle voulait défendre : la cause des sourds. Nous le savions aussi ! C’était une femme très dynamique, engagée et passionnée par ce qu’ACFOS pouvait apporter afin que la connaissance sur la surdité puisse diffuser au mieux.
Ginette était dévouée. Elle militait pour que chacun puisse se sentir concerné par le traitement réservé aux personnes sourdes et à leur entourage: enfants, adultes et parents.
Ginette était efficace, présente à toutes les réunions, les conseils. Lors des colloques, elle accueillait les participants, toujours avec amabilité et aimait à discuter avec chacun pour informer, persuader, convaincre de l’intérêt des actions de notre association.
Ginette était profondément humaine, préoccupée par le sort des plus démunis. Des personnes sourdes âgées et dépendantes aux sourds présentant des handicaps associés, elle était attachée à chacun.
Ginette était généreuse, elle donnait sans compter ; elle était toujours disponible.
Au revoir Ginette. Nous te remercions infiniment pour ce que tu as fait pour les sourds et pour ACFOS.
Nous ne t’oublierons pas car tu demeures en chacun d’entre nous.
Martial Franzoni
Président d’ACFOS
La dernière fois que j’avais rencontré Ginette, il n’y a pas si longtemps que cela, c’était dans la rue Saint Jacques sur le trottoir de l’INJS de Paris. Toujours fidèle a sa casquette à la Gavroche et souvent fois, avec un dossier dans les bras. Avec sa manière de dire en Langue des Signes, elle m’informait de la prochaine exposition des artistes Sourds auprès desquels elle s’était engagée. Ginette était une personne dévouée à la cause Sourde, soucieuse de notre bien-être. Elle était telle que je l’avais toujours connue depuis que j’ai été son élève. Pédagogue hors pair, elle nous transmettait une certaine philosophie de la vie. Une « prof » qui m’a marqué à vie. Elle était en Contrat à Durée Indéterminée « à vie » avec notre cause, mais c’était d’une détermination avec un brin de militantisme qui venait de son cœur.
J’ai eu de la chance de l’avoir côtoyé également en tant que collègue lorsque j’avais pris mes fonctions de professeur de Comptabilité au sein de l’INJS. Pendant des années après sa retraite, nous avions continué à papoter en LSF sur le trottoir de l’INJS ou devant la statue de l’Abbé de l’Epée dans sa cour. A l’instar de ce lieu qui a porté tant de siècles l’Histoire des Sourds, Ginette est une Institution pour nous les Sourds.
Ce fût avec le cœur lourd que j’ai appris son décès. Je n’ai pas pu me retenir de lui envoyer un SMS post mortem. Je vous partage ce message en hommage à la Grande Dame Ginette. Mes sympathies à sa famille et particulièrement, à sa fille Sandrine.
« Chère Ginette,
Je ne sais pas si ce numéro reste valable mais j’ose t’adresser ce message dans l’au delà. Je voudrais te dire un Grand Merci pour tout ce que tu as fait pour moi quand j’étais ton élève, notamment de m’avoir sauvé des maths, mon ennemi juré de l’époque.
Merci de tout coeur pour ton écoute, ta patience, ta gentillesse et ton humanité. Je suis plus que fier d’avoir croisé ton chemin dans ma vie de Sourd. Que ton âme repose en paix.
Je ne t’oublierai jamais.
Mon éternelle affection.
Bises.
Alain GEBERT »
Madame Ginette Marlin était pour moi, une grande dame qui était humble envers les personnes sourdes et malentendantes et une amie.
Je la connais très bien parce que j’ai pu participer à quelques expositions en tant qu’artiste sourd grâce à elle.
C’est elle qui m’avait aussi mis en relation avec sa fille, pour m’aider dans le cadre de la recherche génétique sur ma maladie.
Je partage avec vous, cette grande perte de cette dame qui était pour nous tous et qui menait tous les jours des combats pour faire connaître l’identité du monde des sourds.
François Le Minoux
Mes souvenirs se bousculent. Je vous les donne sans ordre, en vrac.
J’ai surtout collaboré avec elle lorsque l’INJS décida de créer une classe de 6ème, donc un circuit secondaire. Elle se chargea de l’ensemble de l’organisation et s’impliqua à fond, en particulier dans l’enseignement des maths. Je faisais entièrement confiance à son intelligence, à son acharnement, à son action pédagogique. Elle prit l’entière responsabilité de cette expérience nouvelle dans l’Institut et s’y impliqua totalement, intellectuellement et affectivement par amour pour nos élèves.
Mais, un jour, le Ministère me nomma à un autre poste et je dus impérativement quitter notre classe. Elle me le reprocha amèrement. Pour elle c’était une désertion qu’elle me rappelait chaque fois que nous nous rencontrions. Je ne m’en formalisais pas tant elle y mettait de véhémente gentillesse et parce que c’était pour la bonne cause. Dans le monde qu’elle rêvait, le sort des enfants devait passer avant les décisions ministérielles. Je me sentais, face au juge qu’elle était, obligé de reconnaître que, dans un monde idéal, elle aurait eu raison. Ses jugements n’avaient jamais pour origine une agressivité personnelle. Ils émanaient de valeurs, de principes supérieurs.
Il arriva que je lui dis : moi, je suis un intellectuel. Elle me toisa : Pourquoi dis-tu ça ? Car elle n’admettait pas le système des valeurs bourgeoises. Réponse : parce que je ne suis pas un manuel. Ah bon ! dit-elle, rassérénée. Elle avait immédiatement saisi que je voulais exprimer une compétence, un métier et pas du tout une suprématie vaniteuse.
Parmi les personnes que j’ai connues, je la place dans les sphères du sommet. C’est une femme devant qui je m’incline et son absence est, pour moi, une perte immense et douloureuse. Elle alliait les principes, avec lesquels il lui était impossible de transiger, à la plus délicate gentillesse.
Serge, son mari, nous avait incités, ma femme et moi, à acheter une vieille maison folklorique en Vendée, non loin de leur résidence d’été. Nous nous rencontrions fréquemment. Son grand cœur s’exprimait alors sous la forme d’une généreuse hospitalité, d’une cuisine bonne et abondante, d’une autre façon de donner et de se donner.
Elle m’a téléphoné le 30 janvier. C’était son adieu avant de plonger dans l’inconnu. Le courageux soldat qu’elle était devait s’incliner pour la première fois devant plus fort qu’elle. A mes yeux, elle est morte au champ d’honneur de la vie. « Toutes ces choses sont passées, comme l’ombre et comme le vent ». (Victor Hugo).
Jean-Pierre Bouillon